Nous avons interrogé Marine Le Pen (FN) qui candidate aux élections présidentielles sur son projet de politique culturelle.
Questions aux candidats aux élections présidentielles
Votre regard sur de la politique culturelle conduite par le Président de la République François Hollande et des Ministres de la culture de ses gouvernements :
- Est-ce que les objectifs affichés du candidat Hollande ont été atteints ?
- Bilan et critique des initiatives conduites et du soutien aux structures actives.
- L’action envers les plus jeunes, dans le cadre scolaire en particulier.
- Est-ce que la part du budget consacré à la culture est suffisante ?
- Est-elle bien utilisée ?
- Loi Hadopi : que pensez-vous des usages et de la protection des oeuvres ?
- Le rayonnement culturel de la France est-il suffisant ?
Votre projet culture :
- Voudriez-vous conduire un projet dans la continuité ou en rupture avec l’action passée ?
- Quelles évolutions ou même révolutions tant au niveau artistique qu’économique voudriez-vous impulser ?
- Faut-il et doit-on dépenser plus dans ce domaine ?
- Quel statut pour les professionnels, intermittents du spectacle ?
Réponse de Marine Le Pen (FN)
Votre regard sur la politique culturelle conduite par le Président de la République François Hollande et des Ministres de la culture de ses gouvernements :
Est-ce que les objectifs affichés par François Hollande lors de la campagne de 2012 ont été atteints ?
Les 60 engagements présidentiels de François Hollande pris lors de la campagne pour les élections présidentielles de 2012 comportaient un volet culture. Sur la totalité de ses engagements pris en matière culturelle, plus de la moitié n’ont pas été tenus ou réalisés. En matière numérique, le candidat s’était engagé à une couverture intégrale du territoire en haut débit. Malgré les bonnes intentions affichées par le gouvernement, de nombreux territoires oubliés ne sont toujours pas couverts par le WiFi, de même pour les transports ou les administrations. Autre engagement : mettre en place une grande loi signant l’acte deux de l’exception culturelle et remplaçant Hadopi. A ce jour, rien n’a été fait en matière d’exception culturelle et Hadopi est toujours en vigueur. Il en est de même sur la rémunération des auteurs en fonction de l’accès à leurs oeuvres ou sur les bonnes intentions affichées en matière de relance de la francophonie. Le quinquennat Hollande, en matière culturelle comme dans tant d’autres domaines, est un échec cuisant.
Bilan et critique des initiatives conduites et du soutien aux structures actives
Les politiques publiques portées par le Ministère de la Culture et de la Communication devraient être orientées vers trois objectifs : la connaissance et la valorisation des arts, la protection des patrimoines nationaux, la transmission de la culture aux citoyens. Aujourd’hui, dans un paysage de plus en plus décentralisé, ces missions sont confrontées à des tensions manifestes. Les Français qui vivent en dehors des grandes métropoles, bien que majoritaires, sont négligés par les grandes politiques publiques actuelles. Cette différence de traitement entre les grands centres urbains et les zones rurales contribue à accentuer chaque jour davantage les inégalités. L’économie de la dépense a pris le pas sur le développement territorial. Il est plus que nécessaire de construire une politique culturelle pour le public et non pour l’idée du public que se font notamment parfois certains programmateurs et directeurs. La priorité devra être désormais donnée à l’écoute attentive des attentes des Français qui dans leur grande majorité sont attachés à la préservation de notre patrimoine et de la création culturelle française.
L’action envers les plus jeunes, dans le cadre scolaire en particulier.
La culture doit retrouver une place fondamentale au sein de notre société. En effet, la connaissance et des arts et de notre patrimoine constitue un moyen de lier davantage les générations entre elles par une appropriation plus forte de notre histoire tout en étant générateur de davantage de lien social qui fait actuellement cruellement défaut. La culture est une des plus belles preuves d’appartenance à la communauté nationale. Mon objectif est de redonner à la culture une place centrale dans l’enseignement et donc permettre une meilleure familiarisation des jeunes générations aux richesses culturelles de notre pays. Pour cela, il sera procédé à la création d’un orchestre ainsi que d’une chorale dans chaque établissement scolaire avec inclusion en option au bac. L’Education Nationale doit en effet être le lien privilégié de cette familiarisation à la connaissance des arts. Par ailleurs, un processus de validation des acquis culturels permettant de déboucher sur une offre de formation ou un emploi culturel vacant sera mis en place.
Est-ce que la part du budget consacré à la culture est suffisante ? Est-elle bien utilisée ?
Malgré les déclarations de soutien à la culture du candidat François Hollande lors de la campagne présidentielle 2012, le budget alloué à la culture a baissé successivement de 4% en 2013 et de 2% en 2014. En septembre dernier, le ministre de la Culture et de la Communication a annoncé que le budget culture 2017 serait en augmentation de 5 % et représenterait environ 1,1 % du budget de l’État. Tout cela relève de belles déclarations mais n’est pas forcément suivi concrètement. Par exemple, la Fondation pour le patrimoine, organisme privé indépendant à but non lucratif destiné à défendre et valoriser le petit patrimoine non classé ou inscrit, a vu son financement issu en grande partie de subventions publiques passer de 10 à 4,3 millions d’euros en 2016. De nombreuses collectivités territoriales considèrent également la culture comme la variable d’ajustement de leurs budgets.
Contrairement aux différents gouvernements qui se sont succédé, je souhaite pérenniser le budget de la culture et non uniquement à procéder à des hausses de crédit en période électorale. Une hausse des crédits à la protection et à l’entretien du patrimoine est également prévue dans le projet présidentiel.
Loi Hadopi : considérez-vous que la protection des oeuvres est satisfaisante ?
Le droit d’auteur, profondément impacté par l’essor du numérique, se trouve aujourd’hui remis en question par l’Union européenne. Jean-Claude Juncker avait en effet dès 2014 appelé à « briser les barrières nationales en matière de réglementation du droit d’auteur et de la protection des données ». Quant à la loi Hadopi, qui avait pour objectif de protéger les contenus soumis à un droit d’auteur, sa conséquence a été une augmentation de la dépense publique de l’ordre de 12 millions d’euros par an.
Mon objectif en matière de droit d’auteur est de parvenir à un juste équilibre entre le renforcement de l’accès aux oeuvres et les droits légitimes des créateurs. Je suis favorable à l’ouverture du chantier de la licence globale, davantage conforme aux réalités de la révolution numérique et plus protectrice des créateurs dans leur diversité que des majors de l’industrie du disque.
Le rayonnement culturel de la France est-il suffisant ?
La France a été pendant très longtemps un modèle de rayonnement culturel pour le monde. Je ne me résignerai jamais au déclin de ce rayonnement qui est actuellement en cours. Valoriser la culture française comme constitutive de notre héritage permettra à la France de retrouver sa place singulière dans le monde. Je veux que notre nation rayonne à nouveau. Sa vocation universelle est le fruit de sa spécificité, c’est pour cette raison que je mets au coeur de ma réflexion l’exception culturelle française. La vocation de phare culturel de la France à l’international, notamment via la francophonie, reste donc plus que jamais d’actualité. Mon objectif est d’accroître le rayonnement de la culture française partout dans le monde grâce notamment à la création d’un Fonds pour la francophonie en remplacement du Fonds Images pour la Diversité. Je souhaite également renforcer substantiellement le réseau des écoles et des lycées français partout dans le monde.
Votre projet culturel
Voudriez-vous conduire un projet dans la continuité ou en rupture avec l’action passée ?
Depuis trop longtemps la politique culturelle menée par les différents gouvernements n’a eu de cesse que de dévoyer la culture. La culture française n’a été envisagée que sous l’angle consumériste. Ma démarche se veut résolument positive et dynamique. La culture c’est avant tout notre Histoire et notre Identité nationale. La vie culturelle contemporaine doit adopter une attitude projective et en avance sur son époque. Mon projet s’inscrit donc dans cette volonté de remettre notre culture à l’honneur en assurant la promotion des joyaux de notre patrimoine national, tout en permettant le développement de la création artistique dans son ensemble et cesser de privilégier uniquement les majors. En cela, le projet que je porte s’inscrit en rupture avec la politique menée, ou plus précisément non menée par les différents gouvernements qui se sont succédés.
Quelles évolutions ou même révolutions tant au niveau artistique qu’économique voudriez-vous impulser ?
Redonner une ambition à notre politique culturelle constitue l’objectif premier. A cet effet, mon projet aborde toutes les thématiques culturelles : patrimoine, audiovisuel et cinéma, éducation, langue et littérature, emploi culturel, numérique. Je souhaite tout d’abord consacrer un effort particulier à la protection ainsi qu’à la promotion de notre patrimoine national, fruit de notre Histoire et vecteur de notre attractivité. A cet effet, je souhaite bâtir une loi de programmation du patrimoine qui prévoira une augmentation de 25 % du budget actuel alloué à la sauvegarde et à l’entretien de notre patrimoine. La protection indispensable des joyaux constitutifs de notre patrimoine national passera également par un coup d’arrêt à la politique de vente à l’étranger et au privé de palais et bâtiments nationaux. Il est inadmissible en effet d’être contraints demain de devoir nous munir d’un passeport pour visiter nos trésors nationaux.
La modernisation du fonctionnement de l’audiovisuel public constitue également un de mes objectifs. Pour y parvenir, le Conseil Supérieur de l’Audiovisuel sera réformé avec la création de trois collèges : l’un composé des représentants de l’État, le deuxième de professionnels, le troisième de représentants de la société civile (associations de consommateurs, de téléspectateurs, etc.).
Par ailleurs, le lancement que je souhaite réaliser d’un grand plan national de création de filières (lycées, universités) des métiers d’art dans nos territoires ainsi que l’implantation d’un réseau de pépinières d’artistes sur tout le territoire contribueront au maillage territorial de la culture.
Faut-il et doit-on dépenser plus dans ce domaine ?
Le financement de la culture est un sujet fondamental. Bien évidemment, le développement de la création culturelle n’est pas uniquement lié à des questions de financement. Cependant, la diminution constante des crédits alloués à la culture a eu pour conséquence d’étouffer la création en frappant directement la multitude de créateurs. Il est donc nécessaire de pérenniser les financements publics et de cesser de considérer la culture comme la variable d’ajustement des budgets tant de l’État que des collectivités territoriales. Mais il est également impératif de réfléchir à d’autres sources de financement de la culture. Dans cet esprit, je souhaite développer un véritable mécénat populaire avec un site national de collecte de dons en ligne et une campagne de communication nationale afin de sensibiliser nos compatriotes à la nécessité de soutenir notre culture et notamment notre patrimoine.
Quel statut pour les professionnels, intermittents du spectacle ?
Le régime de l’intermittence connaît actuellement un déficit chronique et croissant d’environ 1 milliard d’euros chaque année. C’est donc un régime très fragilisé.
Je suis favorable à la pérennisation du régime de l’intermittence mais également à sa réforme. La principale réforme de ce régime sera concrétisée par la création d’une carte professionnelle permettant l’accès au statut d’intermittent et qui visera la protection et la valorisation des artistes. Elle devra s’accompagner de la création d’un réel parcours d’apprentissage aux métiers correspondants.
Réponse publiée le Tuesday, March 21, 2017