Le projet de politique culturelle de Nathalie Arthaud / élections européennes de 2019

Nathalie Arthaud

Monsieur,

En préambule, je dirais que la nécessité d’une Union Européenne s’est imposée, non pas pour protéger les peuples qui composent le continent, mais pour défendre les intérêts des grands groupes capitalistes face à la concurrence des autres puissances économiques. Cette construction fut laborieuse car ces grands groupes s’abritaient derrière des États nationaux aux intérêts parfois divergents. Quant à son extension jusqu’à regrouper 28 pays à ce jour, elle s’est faite sous la domination des trois grandes puissances (La France, l’Allemagne, la Grand Bretagne) qui dictent leur loi aux autres États. On est loin d’une Europe réellement unifiée, se souciant du bien être social et ouverte sur le monde. Il n’y a qu’à voir de quelle façon indigne sont traitées les populations de migrants qui quittent leur pays pour fuir la guerre et la misère.

Dans ces conditions, les préoccupations culturelles au niveau européen, ressemblent à ce qu’elles sont dans chacun des pays membres : le cadet des soucis des dirigeants.

Doit-on aller vers une politique culturelle Européenne commune ? Doit-on parler d'exception culturelle française au sein de l'Europe ?

La politique culturelle européenne peut se résumer au programme « Europe Créative 2014-2020 » qui remplace les programmes Culture 2007-2013, MEDIA 2007-2013 et MEDIA MUNDUS 2009-2013. Ce programme culturel est officiellement destiné à subventionner des projets « visant à préserver et défendre la diversité culturelle et linguistique de l'Europe et à renforcer la compétitivité des secteurs de la culture et de la création ». Derrière les mots il y a la réalité des chiffres : un budget ridicule de 1,5 milliard d’euros sur 6 ans. Rappelons que le budget annuel de l’union est de 160 milliards d’euros par an.

Quant à la notion « d’exception culturelle française », elle correspond à l’ambiance réactionnaire actuelle, qui prévaut chez les militants du drapeau tricolore et du repli national contre la richesse que représente la culture de l’humanité en général, je ne la partage pas et en tant que communiste et internationaliste, je la rejette. Nous ne posons pas la question de la culture en termes de pays isolés et rivaux : la littérature est mondiale, le théâtre, la musique, la peinture, la sculpture aussi. C’est ce qui fait sa richesse. Nous sommes donc opposés à toute forme de chauvinisme et de repli nationaliste.

Quel regard avez-vous sur l’action du parlement européen sortant dans le domaine culturel ?

C’est au fond le même regard que je porte sur l’action du parlement français en matière de culture.

En 2019 les crédits budgétaires du ministère de la culture en France s’établiront à 3,63 milliards d’euros. A comparer aux 466 milliards que représentaient le budget de l’État français en 2018… soit 0,8 % du budget. Les services de la culture, comme les autres services (santé, éducation) restent condamnés à des économies budgétaires au détriment de l’intérêt public. Pas étonnant qu’on en soit réduit à faire des lotos pour subventionner la conservation du patrimoine. Là aussi, on peut comparer cela au Crédit Impôt Compétitivité Emploi distribué généreusement aux entreprises, de l’ordre de 40 milliards par an, et qui, soit dit en passant, n’a aucune incidence sur le taux de chômage.

Quelle doit être l’action de l'UE pour favoriser la création culturelle européenne et sa diffusion ?

Son budget est tellement insignifiant que ça n’a pas beaucoup de sens de discuter pour savoir si la misère est bien répartie. Par ailleurs, tant qu'il y aura des inégalités sociales la culture restera un domaine essentiellement réservé aux classes les plus favorisées car le chômage, les bas revenus mais aussi l'insuffisance des moyens alloués à l'éducation freinent l'accès à la culture du monde du travail.

La création culturelle européenne existera réellement quand l’Europe sera réellement unie, c’est-à-dire lorsqu’on en aura fini avec la propriété privée de l’économie aux mains des parasites capitalistes, comme de la concurrence source de gabegies, de guerres économiques et de guerre tout court.

Quelle doit être l’action de l'UE pour favoriser l'accès à la culture des citoyens européens ?

J’affirme que la fonction actuelle de la mal nommée Union européenne c’est d’organiser la cohabitation d’intérêts économiques divergents tout en faisant face à la concurrence des USA. L’accès à la culture des « citoyens européens » sera la conséquence de la prise de contrôle par la population elle-même de son économie, de sa vie sociale, en mettant hors de nuire la minorité capitaliste qui régente la société pour son profit égoïste.

Comment associer politique économique et politique culturelle de l’UE ?

Associer politique culturelle et politique économique, ce sera l’objectif d’une société où la collectivité maîtrisera réellement son économie, pas seulement à l’échelle européenne d’ailleurs. C’est-à-dire d’une société débarrassée de ce système, où la majorité doit se contenter d’essayer de survivre, en craignant le lendemain. C’est-à-dire d’une société où la culture pourra enfin profiter à tous.

Est-ce que l'action culturelle de l'UE est assez visible par les citoyens européens ?

Bien évidemment non. Ce que la population européenne voit avant tout, c’est l’aggravation de ses conditions d’existence, du fait de la politique de chaque État, au nom de la défense des intérêts de ses capitalistes nationaux, avec le soutien d’une Union Européenne qui n’est que l’Europe du capital.

Face à cela, la tentation du repli sur soi derrière des frontières n’est en rien une protection. Ce qui nous protégera, ce sera de puissantes luttes collectives du monde du travail pour inverser le rapport de force et imposer les exigences du camp des travailleurs. C’est ce que je défendrai dans cette campagne électorale.

Cordialement,

Nathalie Arthaud

qui conduit pour Lutte ouvrière la liste "Contre le grand capital, le camp des travailleurs"