Installée dans son atelier Elément Terre de la rue Maréchal Foch à Bagnères de Bigorre ou chez elle à Barbazan-Dessus, Murielle Canales modèle de ses mains l’argile humide pour donner corps à une production dominée par la rondeur. Une production signée Mu Céramique qui va d’objets culinaires en grès émaillé à des grandes pièces comme Je vous vois avec un œil de céramique au milieu d’un cercle de fer. Et entre les deux des vases, des luminaires et des personnages imbriqués l’un dans l’autre. Une production comme un continuum entre la production utilitaire du potier et la création artistique du céramiste. Un domaine ou Marcel Duchamp à magistralement tiré un trait entre l’artisan et l’artiste en 1917 avec sa célèbre Fontaine. Mais nous avons rencontré Murielle Canales dans son atelier pour savoir si les mains dans la terre on sait vraiment ou fini le potier et ou commence le céramiste.
Que produisez-vous avec l’argile ?
Je fais essentiellement des objets de décoration et quelques objets alimentaires. Je travaille le grès avec des cercles, des sphères, des choses rondes que j’insère dans des ossatures en fer que je soude moi-même. Je fais aussi du raku, une cuisson particulière japonaise qui donne un aspect aléatoire. Je l’utilise pour des sculptures, des boites ou des pots de fleur. Je fais aussi mes propres couleurs. Et je donne des cours dans mon atelier, ce qui me permet de vivre de cette activité.
Que trouvez-vous dans la terre ?
Je ne sais pas l’expliquer. La terre c’est un retour à l’enfance. La manipuler dégage quelque chose d’organique. C’est magique !
Comment travaillez-vous la terre ?
Je pars d’une idée, d’un croquis. Je prends la terre et je commence toujours par une boule. Après la terre me guide. C’est une alchimie que je n’explique pas, les mains parlent et ça sort. Au début l’argile est comme de la pâte à modeler, c’est très malléable. En séchant elle va durcir, se rétracter. Il faut connaitre les techniques pour que la terre travaille bien, que la forme ne crée pas de tensions, qu’il n’y ait pas de bulles, que le terre reste assez malléable pour la travailler. Sinon, ca ne pardonne pas, la poterie explose à la cuisson ou se fissure. C’est à la fois des contraintes à respecter et un matériau qui nous guide.
Vous vous sentez artiste ou artisan ?
Je ne me considère pas comme une artiste. J’ai commencé par donner des cours, mais j’ai développé une production artistique au fil des années. Avec le confinement, il n’y a pas eu de cours et j’ai beaucoup travaillé cette partie artistique. C’est une période qui a été difficile pour beaucoup de monde, mais pout moi ça a été une période qui a changé beaucoup de choses. J’ai réduit le temps consacré aux cours pour avoir deux jours ou je crée pour moi.
Il suffit de voir votre production pour être convaincu que vous êtes bien une artiste !
Peut-être. Votre venue m’a fait réfléchir car je ne me définis pas très bien dans le métier. Pour moi le terme d’artiste céramiste évoque plutôt des gens qui regardent de haut le travail du potier. Je ne me reconnais pas là-dedans, je trouve au contraire que c’est grâce à la connaissance des techniques du potier qu’on peut créer des œuvres artistiques. Je n’arrive pas à me définir dans une case particulière, je n’arrive pas à m’identifier avec un statut qui sépare le savoir du potier de la création du céramiste.