Il a sans doute fallu deux années à Valentin Viven pour prendre un peu de recul sur ce qu’il voulait devenir. Deux ans depuis sa sortie de l’École supérieure d'art des Pyrénées à Tarbes pour se donner les moyens d’affirmer la personnalité artistique qu’on découvre dans la vitrine du magasin L’étal de l’hexagone au bout de la Galerie de l’Alhambra dans le cadre de l’exposition conçue par l’Association Parcours d’Architecture dans le centre-ville de Tarbes. Il est sans doute le plus jeune artiste de l’exposition. Et c'est assurément le seul artiste des Hautes-Pyrénées en compagnie de 9 autres artistes d’art contemporain d’Occitanie et du reste de la France. Autant de spécificités qui aiguisent la curiosité. Nous avons rencontré Valentin Viven pour en savoir plus sur son début de parcours artistiques.
Quel est votre parcours jusqu’ici ?
J’ai fait les beaux-arts de Tarbes pendant 5 ans, je suis parti en Allemagne ensuite pour un semestre dans une école d’art allemande. Avant, je faisais graffiti mais je me considérais comme graffeur pas comme artiste. C'est le travail que j'ai fait avec mes profs des beaux-arts qui m'a permis de construire une véritable démarche artistique et de réaliser que le graffiti c’est de la peinture, c’est bien de l’art.
Vous êtes sortis des beaux-arts il y a 2 ans. Quel est votre parcours d’artiste depuis ?
J’ai fait quelques expositions. Le Chai Doléris à Lembeye, à l’Omnibus à Tarbes dans une exposition collective d’ex-étudiants des beaux-arts de Tarbes. Et en ce moment c’est les Vitrines de la création à Tarbes. Et j’ai aussi retenu par le CIPAC, la FRAAP et du réseau Diagonal pour une bourse et une formation professionnalisante qui se termine mardi prochain.
Dans la vitrine de l’Etal de l’hexagone, la toile pendue que vous exposez vous éloigne du graffiti ?
C’est une évolution qui s’est fait progressivement et qui a provoqué une remise en question. Par la pratique d’abord, la réalité économique qui faisait que je n’avais plus les moyens de m’acheter des bombes. J’ai continué avec la peinture sur toile en restant proche du graffiti en choisissant le sujet du papier déchiré qu’on peut retrouver sur les panneaux publicitaires quand l’affiche a été arrachée. Un bout de papier lacéré qui me ramène au graffiti : ça vient de la rue, ca peut etre considéré comme un résidu mais ca a un potentiel décoratif par le jeu de couleurs et de formes. Je me suis aussi appuyé sur le travail de Jacques Villeglé qui faisait des ready-made de papier déchiré en mettant sous vitrine des affiches arrachées. Je suis passé de la pratique autodidacte du graffiti dans la rue à de la peinture abstraite sur toile.
Quelles techniques avez-vous mobilisé pour l’œuvre que vous exposez dans les Vitrines de la création ?
J’utilise une toile libre qui fait référence à Supports / Surfaces, un classique de l’art contemporain. Ca vient de ma formation académique aux beaux-arts. C’est aussi un support qui me donne un rapport décontracté, plus ludique, avec la peinture en mettant le châssis et le chevalet de côté. Je découpe ma toile et je peins. C’est direct, pas d’étape supplémentaire qui me donne un rapport franc avec l’action de peindre. Je travaille avec des pochoirs faits avec du scotch de peintre. Un collage de formes déchirées dans le scotch ou je viens appliquer ma peinture. En décollant le scotch, j’obtiens l’irrégularité du papier déchiré. C’est du scotch déchiré qui donne l’aspect du papier déchiré, une imitation de collage, une peinture non tendue abstraite qui joue les décorations sur une toile pendue comme un rideau. Je joue sur le fil avec la question de ce qui est considéré comme une œuvre d’art ou comme de la décoration, et j’interroge sur ce qui est considéré comme beau. Le prolongement de ce que j’ai entamé il y a 5 ans sur le papier déchiré.
Vers quoi avez-vous envie d’aller ?
Mon objectif serait de retrouver le lien avec le public qu’on a avec le graffiti. Toucher le public le plus large possible. Qu’il n’y a pas besoin d’avoir fait des études artistiques pour les formes et les couleurs fassent ressentir quelque chose. Et partager le goût pour la peinture libérée du cadre avec une toile posée à même le mur. Collage, décoration, sur une feuille, sur une toile. J’aimerais que le public perçoive la nature précaire, ambiguë et ambivalente de ma peinture.
Vous avez été contraint de passer du graffiti à la peinture. Vous retournerez au graffiti ?
Oui, j’y pense de plus en plus. J’ai envie de faire sur le mur ce que je fais sur toile même si maintenant je trouve autant de plaisir à faire de la toile que du graffiti. Ca me donne la liberté de me demander quel est le meilleur moyen d’exprimer mes idées.
Du graffiti sauvage ou un graffiti institutionnalisé qui lui donne le statut d’œuvre d’art ?
C’est une vraie question. J’aime le graffiti sauvage, dans l’état le plus primaire de l’acte. Mais j’ai gouté au confort de peindre tout une semaine sans personne qui passe derrière moi, sans l’urgence de finir avant qu’on nous empêche. La satisfaction de faire une fresque qui ne sera pas effacée. Alors que tout ce que j’avais graffé a été effacé ou détruit. Mais je veux rester libre de revenir au vandalisme quand c’est essentiel. C’est deux esthétiques différentes pour moi.