Comment peut-on monter au théâtre "Les Chants de Maldoror", poèmes sombres et sulfureux, œuvre devenue mythique d’Isidore Ducasse, Comte de Lautréamont. «La lecture des Chants a changé définitivement ma vision du monde» dira Dali. André Breton voit dans ces textes les prémices du surréalisme. Un monument qu’il a publié à 22 ans, quelques années après avoir quitté le Lycée Impérial à Tarbes.
C’est le pari que s’est lancé Jean-Louis Manceau. Un récidiviste ! Il s’était jeté dans l’aventure en 1972, déjà accompagné par la musique d’André Fertier, à l’Espace Cardin à Paris. Trente cinq ans plus tard, ils se retrouvent et créent au Pari cet Opéra de Maldoror accompagnés de la comédienne Dominique Prunier et de la World Music de Joël Grare. Un plateau de haut niveau réuni par L’Equipe de Réalisation avec le soutien de la Scène de Musique Actuelle de La Gespe. Un projet auquel ont été associés des lycéens de Tarbes et de Lourdes tout au long de sa genèse.
Le spectacle commence au bas de l’escalier qui mène à la salle du Pari. Par une déambulation, les spectateurs plongent dans l’ambiance étrange et inquiétante de Maldoror. Il y a déjà les ingrédients essentiels du spectacle : une proximité extrême, une musique omniprésente, un décor et des éclairages qui emmènent le spectateur dans un autre monde. Tous les sens du spectateur sont sollicités. L’ambiance est entre la messe noire et la corrida dont on retrouve la disposition scénique. Du texte de Lautréamont, Jean-Louis Manceau a retenu trois tableaux essentiels qui par leurs sonorités se prêtent particulièrement bien à sa volonté de mêler musique et théâtre. Quelques mois avant sa mort, à Paris, les voisins d’hôtel d’Isidore Ducasse allaient se plaindre de « ce jeune homme, déclamant la nuit des prosopopées, en plaquant des accords au piano». On passe ainsi de scènes très rythmées, violentes, aux couleurs chaudes à des atmosphères de folie froide. Les comédiens placés très proche des spectateurs ne peuvent tricher, et jouent avec une intensité remarquable.
On en ressort en ayant la sensation d’avoir vécu un peu du tourment de Lautréamont et la conviction d’avoir assisté à un spectacle ambitieux et réussi auquel on peut souhaiter une longue vie. Début juin, ils seront au Marathon des Mots de Toulouse pour une lecture à deux voix et en musique. Ensuite Jean-Louis Manceau a d’autres projets, toujours liés à cette époque, avec Lautréamont ou Le bateau ivre de Rimbaud. A moins que ce soit Ubu roi d’Alfred Jarry. En attendant vous avez jusqu’à dimanche pour vous frotter à cet étrange et maléfique Maldoror qui vous attend au Pari.