Avec l’histoire de Sawtche, la « Vénus Hottentote », c’est aux plus sombres pages de notre histoire que Lolita Monga nous renvoie. A la fin du 18ème siècle, cette femme d’une tribu de l’extrémité sud de l’Afrique va être enlevée par un explorateur britannique, amenée en Europe, vendue, montrée sur les foires, violée. Rien ne lui sera épargné ! Elle semble déjà concentrer tout les maux de la terre quand elle finira disséquée par le père de l’anatomie comparée, Georges Cuvier, qui cherche à déterminer si ces tribus font vraiment parti des l’espèce humaine. Il conclura de l’infériorité de certaines races. Deux siècles après la Controverse de Valladolid qui n’a pas réussi à déterminer si indigènes avaient une âme, les scientifiques du 18ème siècle s’engagent sur un chemin qui annonce déjà le docteur Mengele.
Avec un éclairage brutal, des mots qui filent et se percutent, des alternances de calme et frénésie, la mise en scène de Frédéric Maragnani crée une ambiance inconfortable qui permet au texte de Lolita Monga d’exprimer toute la violence des errements qu’il dénonce. Une heure de machine infernale qui essore le public. Une heure d’un étrange mélange de beauté et d’horreur ordinaire, mené à un train d’enfer par Lolita Monga, Luc Cerutti et Jean-Paul Dias Un rouleau compresseur que rien ne semble pouvoir arrêter, pas même le « I have a dream »de Martin Luther King. Une Vénus qui se transforme en femme fatale à l’humanité.