C’est à la confluence de la grande histoire et d’une histoire intime que le public du Parvis était convié mardi et mercredi. Les livres d’histoire nous raconte souvent l’histoire des vainqueurs, laissant de côté les perdants, ceux que les événements ont été jeté sur les routes pour trouver des terres plus clémentes. Au moins l’espèrent-ils. C’est à ceux-là que Mikhaïl Boulgakov s’intéresse dans La fuite qu’il écrit quelques années après les révolutions de février et d’octobre 1917 et qui ne sera publiée en URSS que dans les années 60. Huit songes pour suivre des russes blancs qui fuient devant l’armée rouge et qui de défaite en replis se réfugient en Crimée, à Constantinople puis à Paris. Une histoire des perdants qui résonne avec l’histoire familiale de Macha Makeïeff et de ses grand-parents qui ont dû fuir ce qui devenait l’URSS pour finalement arriver en France dans la triste condition de migrants.
Une fuite dramatique que le mise en scène de Macha Makeïeff va traiter comme un vaudeville. Pas d’amant dans le placard, mais les portes claques, les répliquent fusent et c’est un grand vent de folie qui souffle sur les huit songes de Mikhaïl Boulgakov. La lâcheté, le compromission, l’opportunisme, l’amour et la dignité sont mêlés pour nous livrer un récit picaresque avec tout ce que la défaite révèle sur les hommes. Trois heures de spectacles mené tambour battant dans un décor plein de surprises et de facettes. Le tout pour finir par un tableau final concocté par Angelin Preljocaj qui donne à la fuite des russes blanc le relief du Kontakthof de Pina Bausch, pour faire émerger du chaos des comportements individuels un ordre collectif effrayant. Un spectacle aussi ébouriffant par la forme qu’émouvant sur le fond.