Il y a les bons, voire les très bons, pianistes. Ceux qui possèdent cette extraordinaire dextérité qui leur permet d’interpréter impeccablement les grandes œuvres du répertoire. Et il y a les grands, ceux qui ont en plus de la technique, le supplément d’âme, l’éclat qui leur donne une autre dimension. Le concert de vendredi soir au Parvis permet incontestablement de classer Fazil Say dans la seconde catégorie.
Dès le début du concert, avec la Chaconne en Ré mineur de Bach, on comprend qu’on n’est déjà plus dans la restitution d’une partition mais dans une véritable interprétation. En mouvement permanent sur son tabouret, adoptant quelques fois d’improbables postures, vocalisant quelques mesures, Fazil Say semble aller jusqu’au plus profond de lui-même pour chercher l’impulsion et l’émotion qui vont jaillir par l’extrémité ses doigts. Il joue Bach, il joue avec Bach. Il va un peu plus loin encore avec la sonate en La Majeur de Mozart qu’il prolonge par « Inside Serail », une éblouissante variation qui révèle les possibilités ouvertes en repoussant les limites conventionnelles.
Et c’est bien en assumant une certaine liberté que le talent de Fazil Say trouve sa pleine expression. Les sonates de Janacek et de Beethoven le montreront, jusqu’aux deux rappels couronnés par un « Summertime » de Gershwin qui fait définitivement voler en éclat les frontières entre classique et jazz. Un grand moment de musique qui fini par une standing ovation bien méritée.