C’est un spectacle d’une rare intensité que Michel Schweizer nous a offert jeudi et vendredi au Parvis. Sur la scène du Parvis dix adolescents et deux quinquagénaires. Le premier, Michel Schweizer, « qui va tenter d’occuper la fonction de médiateur afin de vous aider à être davantage en empathie avec des jeunes fauves « selon ce qu’il affiche au début du spectacle. Il a concocté avec les textes du philosophe Bruce Bégou un abécédaire à l’usage de ces adultes en devenir. Le second Gianfranco Poddighe « va tenter d’assumer occasionnellement la fonction de DJ afin de garantir une bonne ambiance générale ». Le décor est planté, c’est parti pour près de deux heures d’un spectacle qui prend à contre sens les configurations connues.
Mettre en scène des adolescents pour nous parler de ce qu’ils sont relève de la gageure. Le loft et autre téléréalité nous avait démontré que le procédé était semble-t-il aussi soumis aux lois de la physique quantique que le chat de Schrödinger : la simple existence du spectateur change la nature même de ce qu’il observe. Tant mieux si on veut distraire des millions de spectateurs qui ont du temps de cerveau disponible. Tant pis s’il est question de faire apparaitre un fragment de véracité. Il fallait donc bien être plus manipulateur que médiateur pour que de cette scène occupée par dix adolescents vienne autre chose que de l’artifice.
Avec une décontraction aussi peu spontanée que celle du dompteur qui tourne le dos aux fauves Michel Schweizer est un faiseur de possibles. Par une mise en scène subtile et tourmentée, par un enchevêtrement de parties écrites et improvisées, il parvient à faire apparaitre l’improbable. De fugaces et imparfaites bulles authentiques qui ne tardent pas à éclater. Une adolescente qui chorégraphie la découverte de la sexualité, une autre chante une jeunesse qui ne finira jamais, ils nous parlent de leur fureur de vivre, de leur conscience, de leurs peurs. Celle de devenir un autre, de devenir eux aussi un quinquagénaire à leur tour. Superbe.