On a vu Retour à Reims

C'est un théâtre intimement politique de Thomas Ostermeier propose au public. Il porte à la scène l'essai du sociologue rémois Didier Eribon "Retour à Reims" qui retrace le retour d'un intellectuel dans les racines ouvrières de son enfance. Un regard aussi sociologique que politique sur l'histoire d'une famille de la classe ouvrière de Reims qui va traverser les décennies. Mais la mise en scène de Thomas Ostermeier va bien plus loin que la sage adaptation. Il superpose l'histoire intime de Didier Eribon, son analyse sociale et son caractère politique, avec la place qu'ils occupent maintenant. Allant jusqu'à mêler des gilets jaunes sur les Champs Elysées aux ouvriers de Reims. Une superposition qui s'incarne sur la scène par deux narrations. Celle d'un documentaire qui suit la narration de Didier Eribon, et celle d'une comédienne - Irène Jacob dans la version française - qui enregistre la voix off du documentaire. Des espaces de jeu de l'écran à la scène, deux temporalités de l'histoire de la classe ouvrière rémoise aux conversations entre la comédienne et le réalisateur du documentaire et qui s'ouvre encore plus largement en invitant la question de l'immigration organisée à une époque et combattue à une autre. Ouvriers ou immigrés, aux lendemains de la guerre ou maintenant, les victimes sont toujours du même côté. Deux regards de l'intime au politique. Un dispositif qui donne une portée tout à fait percutante aux propos de Didier Eribon et qui le propulse dans le grand débat qu'Emmanuel Macron vient tout juste de lancer.