Il faut sans doute être un peu fêlé, ou passionné ce qui n’est souvent pas très loin, pour passer une bonne partie de son temps le nez dans les registres de la bibliothèque du lycée ou du recensement militaire en quête du Document, avec un grand D, celui qui permettra d’en savoir un peu plus sur l’insaisissable. Pour Patrick Guilhembet, Eric Nicolas, Eric Walbeck et Kévin Saliou qui présentaient l’exposition dans la chapelle du Lycée Théophile Gautier, l’insaisissable c’est Isidore Ducasse alias le Comte de Lautrémont. Météore qui bouleversera la poésie tellement profondément que ce n’est que 50 ans après sa disparition qu’on commencera à comprendre ce qui s’est passé lors de la rencontre fortuite d'un parapluie et d'une machine à coudre sur une table d'opération. André Breton dira dans un entretien que « il n'y eut d'emblée pas de génie qui tînt devant celui de Lautréamont ».
Mais c’est génie furtif dont il ne reste pas beaucoup de traces. C’est là que nous quatre fêlés, qu’ils me pardonnent pour le qualificatif, entrent en scène pour se lancer dans une quête des traces de son passage, en particulier quand le poète fugace est arrivé en France pour passer quatre des vingt-quatre ans de sa trop courte vie au lycée impérial de Tarbes. Lancés comme de fins limiers menés par Kévin Saliou, jeune et sémillant président de l’Association des Amis Passés, Présents et futurs d’Isidore Ducasse, ils ont retrouvé quatre des neuf signatures connues d’Isidore Ducasse, comme Jean-Jacques Lefrère avait retrouvé il y a quelques décennies l’unique photo de Lautréamont dans la famille de de Georges Dazet, fils de Jean Dazet qui a été tuteur de Ducasse. Une photo et des registres présentés fièrement comme des trophées de chasse dans la chapelle du Lycée Théophile Gautier pour les journées dans l’atelier de Lautréamont. Une exposition qui rassemble des pièces tellement exceptionnelles qu’elle va poursuivre sa route pour être accueillie par la BNF à Paris l’année prochaine.