En décidant de porter à la scène Pas pleurer, le roman de Lydie Salvayre qui a reçu le Prix Goncourt en 2014, Anne Monfort propose aux spectateurs de se placer précisément à la conjonction de la grande histoire et du souvenir intime de ceux qui ont vécu l'époque. Un regard croisé entre l'historien qui retrace la prise de pouvoir de Franco qui va jeter l'Espagne dans la guerre civile et celui d'une jeune paysanne catalane prise dans le double tourbillon de sa propre jeunesse au début de l'été 1936 et de l'histoire qui va tuer son insouciance. Elle finira par traverser les Pyrénées pour s'exiler en France avec sa fille Lidia de quelques mois dans les bras.
Une petite fille devenue adulte interprétée sur scène par Anne Sée qui ne se souvient pas de sa prime enfance espagnole et qui va visiter la mémoire de sa mère. Elle donne corps à l'histoire vue par l'intime et la confronte au regard contemporain et politique apporté par Marc Garcia. Le croisement de la grande histoire et des souvenirs familiaux, de l'histoire telle qu'on peut la comprendre 80 ans après et l'histoire telle que l'ont vécu les espagnols pris dans le tourment de la guerre civile. Mais le récit au passé composé n'est pas celui d'une fille qui met en perspective la grande histoire à partir de souvenirs familiaux et intime de sa mère qui a vécu les événements. Le ton est au contraire celui des historiens qui mettent à distance les souvenirs de Montse. Un cours d'histoire qu'illustre le récit de Montse. Une inversion de la perspective qui ne cesse pas d'interroger et qui laisse définitivement sceptique.