Il y a deux ans déjà son « Maldito sea el hombre que confía en el hombre » avait montré la rage créative d’Angelica Liddell. Et combien cette rage pouvait être un terreau fertile d’où pouvait émerger des images d’une incroyable puissance. Le « Todo el cielo sobre la tierra (el sindrome de Wendy) » qu’elle a présenté vendredi et samedi au Parvis, à peine cinq mois après le festival d’Avignon, est dans la même veine. Deux heures et demie de spectacle pour nous parler d’elle, de son malaise. « Un jour, j'ai compris que ce que je ressentais avait un nom, le syndrome de Wendy, en référence au personnage féminin dans Peter Pan. Dans mon cas, il est associé à la perte de la jeunesse, quand ce que vous aimez commence à disparaître et vous plonge dans la solitude ».
Elle fracasse aussitôt la douce image de Wendy en faisant le parallèle entre Neverland et Utoya. Le parallèle entre l’ile de Peter Pan et celle où Anders Breivik a assassiné en 2011 soixante-neuf adolescents. La suite n’est que rage autour d’un tas de terre en forme de tombe au milieu de la scène. Mais ce n’est pas un rage qui reste stérile, plutôt une rage créative qui trouve une forme qui rassemble théâtre, danse et poésie pour porter son expression au-delà du déversement bileux contre tout ce qui alimente l’illusion, un espoir qui sera inévitablement déçu. Romain Gary écrivait que l’amour d’une mère était une promesse que la vie n’allait pas tenir. Angelica Liddell va plus loin en vomissant toute ces formes d’amour et de don de soi. Un spectacle qui résonne comme un manifeste entre surréalisme et introspection, définitivement inclassable et inoubliable.