Adishatz, c’est un retour sur une adolescence tarbaise ?
Oui exactement. On avait commencé par un travail sur des chansons françaises et internationales. Des icones de la musique populaire, de Cabrel à Madonna et Lady Gaga chantés a capella pour voir ce que les textes ont à dire quand on enlève la musique. Madonna nous parle de la religion, du rapport entre père et fille. Et puis ces musiques de discothèque m’ont ramené à l’adolescent que j’étais quand je les écoutais, elles m’ont ramené à ma famille et à ce que j’ai vécu ici. C’est tout un vécu qui surgit. J’ai aussi invité les chanteurs Pyrénéens. Ils incarnent pour moi la force des traditions, c’est un hommage absolu à la région qui fait parti des musiques qui ont bercé ma vie tarbaise. C’est autour de tout ça que le spectacle s’est construit. C’est autour de ces partitions que tout le matériel tarbais vient petit à petit contaminer ce qui est écrit.
Quel regard portez-vous sur cette période ?
Un regard contrasté, comme l’adolescence. On sortait, on se permettait tous les dérapages. Un moyen de se lâcher, de se découvrir aussi. J’habitais Odos. C’est un village, c’est déjà autre chose que Tarbes. Je suis allé au Collège Pyrénées, au lycée Marie Curie. Je n’étais pas fan de l’école et je voulais m’évader de tout ça, je me suis engouffré dans le parcours artistique assez tôt. J’ai rêvé d’être une pop star…
Etait-il nécessaire de quitter Tarbes ?
Oui. Je n’en serais pas la aujourd’hui si je n’étais pas parti. Tant pour le développement artistique que pour l’individu. J’ai senti rapidement que j’avais fait le tour de Tarbes. Je ne voyais pas comment aller plus loin pour me construire ici. Etre dans une petite ville, c’est être dans un cocon. Le quitter est difficile ! Je ne l’aurais peut-être pas fait seul. C’est là que les rencontres sont importantes. En l’occurrence celle avec Mercedes Tormo qui s’est rendu compte très vite que je ne pouvais pas continuer ici, qu’il fallait que je parte et que je découvre d’autres choses.
Revenir ici avec cet Adishatz était nécessaire ?
Oui, je crois que c’était nécessaire. J’ai laissé à Tarbes pas mal de plaies. Curieusement, je m’étais toujours dit qu’un jour, de tout ce que j’ai vécu ici je ferais quelque chose. J’ai gardé tout ca, je l’ai entretenu. C’était resté ouvert. Pour moi, si cet Adishatz avait été évident je l’aurais fait avant, je l’aurais fait avant de quitter Tarbes.
Est-ce que Tarbes à changé depuis ?
Je crois que c’est toujours aussi compliqué pour les adolescents. Même si la ville fait des efforts pour animer tout ça, le Parvis aussi. Les choses ne changent pas vraiment. Il n’y a toujours pas de bar gay ici. Je suis allé au Must, devenu le R&G Room et j’ai dansé comme je le fait à Paris, comme je l’ai toujours fait ici. Dès que tu bouges plus que la normale, on sent les regards des gens, des jeunes en particulier, qui se demandent qui est ce mec bizarre. Pourtant, les boites c’est fait pour ça ! On n’est pas la pour picoler ou rester à regarder les autres et les filles en se demandant avec laquelle on pourrait passer la fin de la soirée… Au rétro, c’est plus simple. Les gens d’âge mur sont plus tolérants !
Arriver à Tarbes avec cet Adishatz très personnel est plus compliqué qu’avec le Jerk de Gisèle Vienne présenté il y a deux ans ?
Avec Jerk, j’interprète un personnage qui n’est pas proche de moi. La, évidemment c’est plus difficile : il y a plus de tensions. Je sais que beaucoup de gens ont réservé des places pour le spectacle. Je ne sais pas ce qu’ils attendent. Peut-être l’image de Tarbes. Mais c’est un reflet sublimé et décalé de ce que j’ai vécu ici que je renvoie. J’ai enlevé tout ce qui était divertissement pour aller au plus sensible, au plus proche. J’ai envie que les gens soient secoué par ça. J’arrive avec tous les personnages que j’ai pu côtoyer, ici à Tarbes. La famille, des amis, des personnages qui m’ont influencé, que j’ai aimé, qui m’ont rendu triste. Certains sont morts, d’autres seront dans la salle. Ici, le public connaît les lieux que j’évoque dans le spectacle. Les gens ont pu vivre ces choses en même temps que moi, certains l’ont fait avec moi. Ca peut déstabiliser et surprendre le public, ca va me déstabiliser aussi. Je ne suis pas fermé par rapport à ça, je laisse aussi sur scène l’espace pour ce qui pourrait apparaître sur le moment.